Maisons en bois massif ou empilés
Bois rond, fustes, rondins,
bois brut, ?
La langue française est très riche mais il est parfois
difficile de trouver le mot juste pour désigner une chose bien précise.
C’est le cas de ces maisons faites de troncs d’arbres ou fûts
empilés, que l’on désigne traditionnellement dans certaines
régions de France comme le Queyras (Saint Veran, le plus haut village
d’Europe, est célèbre pour ses fustes de mélèze
très anciennes, qui font désormais partie du patrimoine protégé)
sous le nom de fuste (une fuste, des fustes).
Les fûts dont elles sont faites, gardent leur forme naturelle, mais
ils sont parfois légèrement équarris sur leurs deux
faces visibles.
Dans tous les cas, il s’agit de pièces de bois qui conservent
leur conicité et ne sont jamais sciées à “arêtes
vives” en forme de parallélépipède.
La fuste est un bâtiment constitué de fûts de bois
à peine équarris et entrecroisés aux angles dans les
Alpes du Sud, et notamment dans le Queyras.
Le dictionnaire “Le Robert” ne semble pas connaître les “fustes
du Queyras. Pour lui une fuste est un “ navire léger et long, de
bas bord, qui naviguait à la voile ou à la rame “, fuste
étant un mot dérivé de l’italien fusta. Mais n’oublions
pas que l’Italie et le Queyras sont proches, que les deux langues voisines
issues du latin, l’italien et l’occitan, les rapprochent, et que dans toute
l’occitanie fusta et fustier ont rapport avec le travail du bois : “fusta”=
bois d’oeuvre, “fustier” =bûcher, charpentier dit le dictionnaire
occitan-français de Yves Lavalade.
Charpentier de marine, charpentier...de maison, le matériau
est le même, des fûts de bois et le rapprochement entre une
maison faite de bois empilé et un navire est sûrement significatif
des liens sans doute tendus et les intérêts contradictoires
entre la construction de maisons en bois et la construction navale à
une époque où le bois était un matériau
stratégique en voie d’épuisement
Ce mot fuste est beau et simple, et “ l’Art
de la Fuste -Technique de construction en rondins bruts- “ a modestement
contribué à le rendre populaire auprès du public et
des médias. On parle désormais de fustes dans les magazines
de maisons et habitat. On parle aussi de “fyouste” dans les
congrès de l’International Log Builder Association (ILBA),
où les french fustes sont maintenant timidement présentes
et reconnues.
Pour nous, la fuste est une maison en bois massif, faite de troncs ajustés
les uns sur les autres. La technique que nous utilisons est celle de l’ajustage,
une technique artisanale prodigieusement efficace qui se développe
actuellement sur toute la planète dans les pays riches en forêts
résineuses. Les bois ne sont plus calfatés comme autrefois,
mais ajustés, bois sur bois. Les entailles d’angle sont de plus
en plus perfectionnées pour assurer un jointage durable.
Si le mot fuste n’avait pas été remis au goût du
jour, il est à peu près certain que nous en serions déja
au terme américain de log home....Défendons donc notre langue
et notre culture. Le terme anglais de log désigne, du reste aussi
bien la grume, le rondin, le madrier...encore un mot dont la langue anglaise
a le secret .
Parler d’une fuste, est aussi plus noble que de parler d’une maison
en rondins, dont la connotation cabane de trappeur est hélas encore
fréquente. Si vous dites à un “fustier” que la belle fuste
de 250 m2 qu’il est en train de construire est une cabane...partez vite
en courant. Or une fuste est, on le sait, une maison confortable, très
solide, en bois massif, aux performances thermiques exceptionnelles. Il
n’est plus utile de le rappeler , sauf aux sourds...bien entendu, du moins
à ceux qui ne veulent pas entendre.
Le mot rondin est également lié au bois utilisé
par l’industrie de la trituration (papeterie et panneau -on l’appelle
d’ailleurs le “ bois d’industrie “), mais aussi au bois de chauffage. C’est
du bois de peu de valeur, de petit diamètre et de courte longueur
(1 à 2 m.), par opposition à la grume qui désigne
le bois d’oeuvre, tronc plus long et plus gros qui sera utilisé
par le scieur.
Or, pour construire une fuste, on n’utilise pas des rondins de papeterie,
mais du bois d’oeuvre de qualité, des grumes de diamètre
25 cm jusqu’à 40cm et plus, dans des longueurs qui peuvent atteindre
9 à 10 mètres.
Le mot bois rond est largement utilisé au Québec , où
on parle aussi de maisons de billots. Un film Québécois largement
diffusé par l’0ffice National du Film au Canada a d’ailleurs
bien contribué à répandre cette idée de la
maison en bois rond, cabane construite au fond des bois, où les
bois sont sommairement encochés à la hache, puis calfatés
de mousse des bois tandis que notre héros chante..”un peu d’bois
rond et d’bois carré....”
L’expression bois rond est également utilisée par les
industriels et organismes professionnels pour le distinguer du bois scié.
On pourra parler de la consommation d’une scierie en m3 bois rond, et de
sa production en m3 bois scié.
Comme on le voit tous ces “bois ronds” finissent par créer une belle confusion.
l’expression bois brut, quant à elle, est utilisée par l’industrie du bois pour exprimer que le bois n’a pas subi cette première transformation qu’on appelle le sciage ou le déroulage (contreplaqué)ou le tranchage pour le bois d’oeuvre, ou le broyage pour le bois d’industrie. Le bois brut reflète assez bien l’idée du matériau utilisé par un fustier, c’est l’arbre qui conserve sa forme naturelle, et qui a été dépouillé de son écorce, et qui conserve sa peau extérieure, le cambium. L’idée de bois brut s’inscrit dans un courant d’architecture contemporain, vers le retour de plus de matière et de texture. “ Le bois brut, mis en oeuvre dans une construction restera arbre plus que matériau”-Bois brut en Architecture-, Camille Houdart-Architecte DPLG,Janvier 2001)
Le Propos du Fustier-Novembre2001- © BSTCB
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massif ou empilés ,bois
rond, fustes, rondins, bois brut, ?
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